Clinique de la gastro-entérite aiguë
Prise en charge de la diarrhée aiguë non compliquée
Traitement en cas de diarrhée aiguë avec refus de boire et vomissements persistants
Recherche de bactéries ou de virus dans les selles
Diarrhées, plus ou moins aiguës, d’origine parasitaire
Vaccination contre certains rotavirus
Résumé de la prise en charge de gastro-entérite aiguë
INTRODUCTION
Au hit-parade des maladies infectieuses qui affectent les enfants dès les premiers mois de vie – surtout ceux qui fréquentent un milieu d’accueil – règnent les infections des voies respiratoires (rhino-pharyngites, laryngites, bronchites,…) et les gastro-entérites aiguës, encore appelées «grippes intestinales». La dénomination gastro-entérite aiguë est impropre puisque, même si les vomissements en constituent souvent un symptôme majeur, le processus infectieux n’entreprend pas l’estomac (gaster). Il en va de même pour la dénomination grippe intestinale: la grippe (saisonnière ou pandémique), qui est une affection virale des voies respiratoires, n’a de commun avec la gastro-entérite que son démarrage aigu et son caractère éminemment contagieux.
On parle de gastro-entérite aiguë quand, de manière relativement brutale, il y a émission de selles liquides, abondantes et fréquentes. La maladie résulte de l’atteinte plus ou moins sévère des villosités qui tapissent la surface de l’intestin grêle: dans la majorité des cas, il s’agit d’une altération de la fonction des cellules superficielles absorbantes (l’épithélium); quelques fois, il y a invasion et altération en profondeur de la muqueuse digestive.
Le risque de développer une gastro-entérite est nettement moindre chez le nourrisson allaité au sein. Rappelons que, pendant les premières semaines de vie, les selles dites de lait maternel sont naturellement liquides et fréquentes (qu’il y en ait plus de six par 24 heures n’est pas exceptionnel): elles ont l’apparence d’œufs brouillés mal cuits, additionnés d’eau; elles en ont même l’odeur un peu douceâtre. La couleur jaune orange peut virer au vert gazon et même au vert fluo! Au fil du temps, elles vont s’espacer au point de n’être plus émises qu’une fois tous les deux ou trois jours, quand ce n’est pas une seule fois par semaine: c’est alors «la mare aux canards». Il n’est pas inutile de rappeler que, dans certaines maternités jusqu’au début des années 1980, on préférait donner des biberons de soupe de carottes aux bébés nourris au sein plutôt que de rassurer les mamans allaitantes inquiètes devant l’aspect «diarrhéique» des selles !
La complication qui fait peur est la déshydratation; les adultes, qui font une gastro-entérite aiguë, ont nettement moins de risque de se déshydrater.
Les agents infectieux impliqués sont qualifiés d’entéropathogènes: il s’agit plus souvent de virus que de bactéries (microbes) ou de parasites. L’incubation va de quelques heures à 72 heures.
Chez l’enfant de 3 mois à 3 ans, les Rotavirus sont les virus les plus redoutés, surtout en période hivernale. Plusieurs variétés (sérotypes) peuvent sévir au cours d’une même saison. Ils détruisent sélectivement le sommet des villosités intestinales. Or, c’est là que se concentrent les cellules qui ont un rôle important dans la digestion (hydrolyse de disaccharides comme le lactose, …) et un rôle dans l’absorption de l’eau, des électrolytes (sodium, potassium,…) et des acides aminés.
Sur le plan clinique, certains Rotavirus provoquent des vomissements et une diarrhée à ce point incontrôlables qu’une hospitalisation pour déshydratation aiguë devient inévitable. Entre trois mois et deux ans, tout enfant va être confronté, au moins une fois, à un rotavirus.
Certaines bactéries (Campylobacter jejuni, Salmonella, Shigella…) envahissent la muqueuse de l’intestin grêle terminal et du côlon (gros intestin). Elles libèrent des toxines et engendrent un tableau clinique appelé dysenterie. Ce type de diarrhée, qui survient habituellement au retour de voyages lointains, requiert souvent la prescription d’un antibiotique. La déshydratation n’en est pas le risque majeur. Les symptômes dominants en sont la fièvre, le besoin d’aller souvent à la selle (ténesme), les douleurs abdominales crampoïdes, et l’émission de selles glaireuses, sanglantes et de faible volume.
Si la transmission de l’entéropathogène peut se faire par simple contact de personne à personne ou par la consommation d’aliments contaminés, le contact direct ou indirect avec des selles infectées en est une cause majeure. Une poignée de main suffit.
Dans une crèche ou à la maison, les «séances de table à langer» constituent des occasions privilégiées de propagation d’infection intestinale, et ce d’autant plus que l’excrétion du virus ou de la bactérie dans les selles d’un enfant est déjà présente avant la maladie et qu’elle persiste encore plusieurs jours après guérison.
Prenons le cas des Rotavirus: nous nous immunisons tous au cours de nos premières années de vie. L’adulte qui entre en contact avec l’un d’eux, tout en restant lui-même asymptomatique du fait de son immunité acquise, est susceptible de le transmettre à un enfant. Le personnel d’un milieu d’accueil et les parents d’un enfant en bas âge fréquentant un «milieu d’accueil» sont des passeurs de choix du virus. Lequel d’entre nous prend systématiquement la précaution de se laver les mains après avoir changé la couche d’un enfant?
« Les poussées dentaires » ne provoquent ni diarrhée ni selles molles !
CLINIQUE DE LA GASTRO-ENTÉRITE AIGUË
Voici quelques signes annonciateurs, typiques mais inconstants, que l’on observe chez le nourrisson: des renvois inhabituels, des gaz malodorants, des gargouillis dans un abdomen anormalement ballonné, des accès de pâleur, une irritabilité associée ou non à des pleurs inexpliqués, une apathie inhabituelle et des yeux qui regardent dans le vague.
Les premiers symptômes significatifs, quel que soit l’âge, sont le refus de manger, les vomissements.
En présence de tels symptômes chez un enfant qui fréquente un milieu d’accueil où l’on signale des cas de «diarrhée», il faut penser au diagnostic de gastro-entérite aiguë.
Comme pour d’autres infections, la fièvre n’est pas un symptôme constant. Quand elle est présente, elle l’est dès le début: elle peut dépasser les 39°C mais il est rare qu’elle persiste plus de 2 à 3 jours.
« Le refus de manger» est un symptôme obligatoire au début d’une gastro-entérite aiguë.
Les vomissements, presque toujours présents, précèdent l’apparition des premières selles liquides. Ils peuvent survenir de manière brutale et par salves rapprochées pendant les premières heures. Ils disparaissent habituellement en moins de deux jours.
Les selles de gastro-entérite aiguë sont liquides et peuvent prendre un aspect «eau de vaisselle». Par définition, il en faut au moins trois par jour; en réalité, elles sont beaucoup plus fréquentes que cela. Plus ou moins nauséabondes, elles le sont particulièrement en cas d’infection intestinale à Rotavirus.
La phase aiguë d’une «gastro» dure moins d’1 semaine. Les 3 ou 4 premiers jours sont les plus cruciaux. Cela étant dit, il faut parfois attendre deux à trois semaines avant que les selles ne reprennent une consistance proche de la normale.
Si un épisode diarrhéique aigu se prolonge au-delà de 4 semaines, on parlera de diarrhée chronique. Parmi les agents qui peuvent être en cause, il y a certaines bactéries du type E. Coli et deux protozoaires parasites, le Giardia lamblia et le Cryptosporidium parvum.
Comment reconnaître une gastro-entérite aiguë chez un enfant nourri totalement ou partiellement au sein? Pas toujours facile. L’appétit est généralement diminué et les selles, qui sont plus fréquentes, sont parfois glaireuses et malodorantes.
SIGNES DE DÉSHYDRATATION
Il y a déshydratation aiguë sévère quand, dans un court intervalle de temps, il y a une perte excessive d’eau et d’électrolytes, et une perte de poids de plus de 10% en l’espace de 24 à 48 heures. La perte de poids est évaluée à partir d’une pesée récente ou estimée à partir de la courbe de poids de l’enfant.
Calcul du pourcentage de déshydratation:
poids antérieur – poids mesuré, divisé par le poids antérieur et multiplié par 100.
Ex : 10 kg – 9 kg = 1kg à 1kg : 10 kg = 0,1 à 0,1 x 100 = 10 %
Voici les principaux signes de déshydratation chez le nourrisson et le jeune enfant: des yeux enfoncés dans les orbites, une bouche sèche, une «langue rôtie», le «signe du mouchoir», de la fièvre et des extrémités froides, une irritabilité ou une apathie inhabituelle, un rythme cardiaque (pouls) accéléré et parfois une respiration plus profonde (acidose sanguine).
Ce tableau clinique s’accompagne de mictions réduites en nombre et en volume : les urines plus concentrées sont plus foncées.
Le «signe du mouchoir» s’obtient en pinçant la peau entre le pouce et l’index: un pli cutané persistera pendant quelques secondes à l’endroit pincé (au niveau d’un bras ou du ventre).
La «langue rôtie» est une langue rouge, sèche et traversée de sillons, dans une bouche sans salive…
A propos de la réduction des mictions, elle peut être difficile à évaluer chez le nourrisson, lorsqu’il y a abondance de selles liquides dans les couches…
La fièvre ne sera considérée comme un signe probant de déshydratation que si elle survient au cours d’une diarrhée aiguë sans fièvre…
La diminution du volume du liquide circulant dans les vaisseaux sanguins (hypovolémie) peut conduire à une chute de la tension artérielle.
PRISE EN CHARGE DE LA DIARRHÉE AIGUË NON COMPLIQUÉE
Petit rappel historique
Pendant longtemps, la prise d’antibiotique et l’application d’un «régime alimentaire sévère» constituèrent les piliers du traitement des gastro-entérites aiguës. On multipliait les coprocultures à la recherche du microbe responsable et les antibiogrammes pour déterminer l’antibiotique adapté. Jusqu’au début des années 1970, l’ONE exigeait pour tout enfant qui entrait en crèche des frottis de gorge et de selles, qui fussent indemnes de germes pathogènes. Des litres de Colimycine ont abreuvé les chers petits de l’époque. Sur le plan alimentaire, le raisonnement était le suivant: puisque les agents infectieux causaient une altération de la surface absorbante dans la partie haute de l’intestin grêle, laquelle entraînait la disparition temporaire de certains enzymes dont la lactase, avec comme résultante une intolérance secondaire et transitoire au lactose (le glucide de presque tous les laits des mammifères), et que ce lactose non digéré subissait au contact de la flore microbienne du côlon une fermentation qui le transformait en acides organiques, eux-mêmes irritant pour la muqueuse colique et donc cause de douleurs abdominales et d’aggravation de la diarrhée…il était logique de supprimer le lactose et conséquemment le lait de vache. Afin de ménager la muqueuse digestive, on pensait, donc, qu’il fallait soumettre l’enfant à un régime sans lactose, sans fibre insoluble et riche en pectines. Pour ce faire, on lui prescrivait un régime à base d’eau de riz, de dérivés du lait de vache sans lactose (ex:HN25®), de «lait» de soja, de soupe de carottes sucrée salée, de riz, de pomme râpée et de banane écrasée, ces deux fruits devant être préalablement brunis à l’air. Le médecin qui ne recommandait pas d’arrêter le lait de vache, était considéré comme un ignare. En réalité, la pulpe de carottes cuites n’a qu’un effet «cosmétique» sur les selles: en absorbant l’eau éliminée en excès, elle agit comme une éponge. On imposait, donc, à l’enfant souffrant de diarrhée un régime pauvre en protéines et en graisses. Cela se faisait d’autant plus facilement que – pour nombre de parents, aujourd’hui encore – mettre un enfant au régime signifie lui «imposer un régime maigre». Or la muqueuse digestive (la surface absorbante) est le tissu de l’organisme qui se renouvelle le plus rapidement (en trois jours); un régime trop restrictif ou déséquilibré dans ses apports en graisses, en protéines et en sucres, entraîne nécessairement un retard dans sa régénération, dans la synthèse de la lactase, etc. Il ne fait que prolonger la durée de la diarrhée. Chose étrange et qui n’embarrassait pas les éminents gastro-entérologues des années 1970: le lait maternel, dont la teneur en lactose est plus élevée que dans le lait de vache, n’était pas interdit..
Par ailleurs – toujours au début des années septante – on n’hésitait pas à hospitaliser l’enfant qui présentait des signes de déshydratation et à lui appliquer un programme de perfusion destiné à corriger au plus vite les déséquilibres sanguins en sodium, potassium, chlore et autres électrolytes. Au cours d’une réhydratation intraveineuse survenaient parfois des convulsions. Au fil du temps, on finit par comprendre que les convulsions étaient dues à un excès de zèle, qu’elles étaient dues à une réhydratation intraveineuse trop rapide, laquelle entraînait un œdème cérébral.
Entre-temps, une découverte majeure en santé publique se fit jour: les solutions salines buvables. Après en avoir constaté l’efficacité au cours de campagnes de lutte contre le choléra en Afrique, le Dr Dhiman Barua mit sur pied, en 1978, dans le cadre de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), un programme de lutte contre les maladies diarrhéiques au moyen de solutés buvables équilibrés en sels minéraux. Ce programme permit de sauver des millions de vies humaines. Il s’avéra que la réhydratation par ce type de soluté était applicable aux nourrissons du monde entier souffrant de tout type de diarrhée aiguë sévère, et qu’elle n’entrainait jamais de convulsions: elle était, donc, aussi efficace que le traitement intraveineux, moins risquée et infiniment moins chère. C’est ainsi que sont apparues les formules adaptées aux besoins de l’enfant, telles que ORS®, Alhydrate®, Soparix®, Gastrolyte®…
Le chemin qui a conduit à cette prise en charge de la diarrhée permet de comprendre pourquoi autant d’avis si divergents circulent encore au sujet du meilleur traitement de la gastro-entérite aiguë de l’enfant.
N.B.: Ne pas confondre l’intolérance secondaire au lactose ci-dessus décrite et l’allergie aux protéines du lait de vache (caséine, lactalbumine). Dans ce cas-ci, il y a mise en jeu de mécanismes immunitaires qui entrainent une altération de la muqueuse digestive et aussi… de la diarrhée.
Préliminaires
A l’installation d’une « gastro-entérite », il est rarement indiqué de se présenter avec son enfant dans un service de garde hospitalier, même si la température est élevée. Il faut, bien sûr, faire preuve de vigilance mais surtout commencer par des gestes simples et efficaces, et s’armer de patience.
Une gastro-entérite aiguë guérit presque toujours sans aucun médicament! Dans la grande majorité des cas, il n’y a, à proprement parler, pas de traitement spécifique. En revanche, l’absence de complications dépendra souvent des mesures adéquates appliquées.
En perdant rapidement de l’eau et des sels minéraux, l’enfant – bien plus que l’adulte – risque la déshydratation aiguë. Une perte rapide de poids, de plus de 10%, est souvent considérée comme un critère d’hospitalisation. Mais attention, pas de précipitation! Pour qu’il y ait déshydratation, il faut assurément des pertes en eau qui surviennent dans un intervalle de temps assez court (24 heures) et qui ne soient pas compensées par des entrées d’eau suffisantes: il faut, donc, la conjonction de vomissements incoercibles, d’une diarrhée profuse et d’un refus absolu de boire. Une situation, somme toute, peu fréquente, sauf, notamment, avec certains Rotavirus.
Recommandations actuelles
1) Pendant la phase des vomissements, il faut réduire les apports alimentaires, ce qui n’est pas difficile: tout comme l’adulte, l’enfant qui commence une «gastro» a des nausées et refuse de se nourrir. En revanche, de l’eau sucrée ou du thé léger sucré ne seront généralement pas pour lui déplaire. Chez l’enfant au-dessus de 1 an, le Coca-Cola dégazé a la réputation d’arrêter les vomissements difficiles à contrôler: c’est la seule circonstance où cette boisson peut être bénéfique.
2) Dès l’apparition de selles liquides, votre préoccupation sera de mettre l’intestin au repos et d’éviter la déshydratation. Pour ce faire, il faut compenser les pertes en eau et en sels minéraux, et fournir l’apport calorique nécessaire et suffisant.
En cas d’alimentation au lait maternel, il n’est pas indiqué de suspendre l’alimentation au sein et ce, quelles que soient la consistance et la fréquence des selles. On combinera ORS et sein. Propriété anti-infectieuse du lait maternel (IgAs, lactoferrine, lysozyme, oligosaccharides,..).
Dans tous les autres cas, il est impératif d’arrêter complètement l’alimentation habituelle et de recourir pendant 4 à 6 heures à une solution de réhydratation orale (SRO). Acronyme anglais : O.R.S. (Oral Rehydration Solution). Une telle solution est obtenue par dilution de quantités précises de glucose, de chlorure de sodium (sel de cuisine) et de potassium dans un volume d’eau déterminé
Exemples de poudres pharmaceutiques conseillées pour obtenir une S.O.R.
- Orisel junior®. Composition : glucose (dextrose), chlorure de sodium (sel de cuisine), potassium. Un sachet dans ½ litre d’eau.
- Gastrolyte ®: riz précuit, glucose, chlorure de sodium, chlorure de potassium, arômes de banane et vanille
1 sachet par 250 mL d’eau.
La solution ainsi préparée peut être conservée au réfrigérateur pendant plus de 24 heures.
Ainsi, en l’espace de 6 heures, à raison de 50 à 75 ml/kg ou davantage, un enfant de 10 kg peut boire de ½ litre à 1 litre de solution.
Si votre enfant refuse ce « breuvage » au goût sucré salé, pas de panique: un enfant qui se déshydrate «meurt de soif» et ne fait pas la fine bouche. Que fait-on s’il s’obstine? Lui représenter la solution un peu plus tard… Surtout, ne modifiez pas la concentration de l’O.R.S. et n’y ajoutez rien (sauf une larme de grenadine, mais rien qu’une larme!). Certaines solutions contiennent déjà un édulcorant !
La mise au repos de l’intestin, couplée à l’administration de cette solution, ne doit pas dépasser 12 heures.
Du fait de la présence d’un état nauséeux et/ou de vomissements pendant les premières heures de la diarrhée, il peut s’avérer nécessaire d’administrer l’O.R.S. toutes les cinq minutes, soit par petites gorgées au biberon, soit à la cuillère à café. La prise de l’O.R.S. réduit les vomissements.
3) Après 4 à 6 heures de solution de réhydratation, une réalimentation normale, mais fractionnée, doit permettre à la muqueuse digestive de se régénérer au plus vite.
Il s’agit de réintroduire les aliments qui étaient administrés avant la «gastro» mais de les répartir sur un plus grand nombre de repas (sous forme de collations). La mise au repos prolongée de l’intestin n’a aucun intérêt, elle est même contrindiquée: elle favorise la disparition de l’activité de certaines enzymes nécessaires à la digestion. La muqueuse intestinale récupère d’autant plus vite qu’elle reçoit les éléments nutritifs variés indispensables à sa régénération: ce qui se traduira par une reprise pondérale rapide.
Donc, de prime abord, pas de régime d’exclusion à instaurer. Par exemple, le lait de vache et ses dérivés (fromage blanc, yaourt, fromage à tartiner, fromage à pâte dure,…) sont autorisés sauf si l’allergie aux protéines du lait de vache a été objectivée avant la maladie.
Le bon sens commande d’éviter les légumes et les fruits qui ont des propriétés laxatives, tels que les courgettes, les poireaux, les prunes, les poires, les raisins, la compote de pommes,…
Sont déconseillés: les boissons gazeuses et les jus de fruits concentrés (concentration de sucre trop élevée).
Des jus d’orange ou de citron, dilués, sont bons pour leur apport en potassium.
4) La persistance de selles diarrhéiques au début de la réalimentation ne doit pas vous pousser à faire marche arrière. Après chaque débâcle diarrhéique, c’est-à-dire quand la couche déborde de tous les côtés, vous veillerez à administrer la solution de réhydratation à raison de 10 ml par kg, soit 100 ml pour un enfant de 10 kg. Et ceci, sans interrompre la réalimentation en cours!
Certains enfants « à terrain allergique » ont « les intestins plus sensibles ». Le processus de normalisation des selles est significativement plus long.
5) Il n’est pas indispensable de faire tomber la fièvre mais il est justifié de lutter contre la douleur. Dans un cas comme dans l’autre, le traitement est identique:
Paracétamol en sirop, (Perdolan®, flacon de 200 mL, contient 32 mg de paracétamol par mL)
pour les enfants en-dessous de 6 mois, dose totale de 30mg/kg/24h, divisée en quatre prises,
et
pour les enfants plus âgés, dose totale de 60 mg/kg/24h, divisée en quatre prises.
Par exemple, un enfant de 10 kg peut recevoir 4 x 150 mg/24h, soit 4 x 5ml (160 mg) du sirop Perdolan®/24h.
6) Les médicaments tels que le Motilium® (dompéridone), qui agit contre les vomissements, et l’Imodium® (lopéramide), qui est un anti-diarrhéique, sont déconseillés. Ils ne devraient pas être prescrits aux enfants en-dessous de deux ans. Leur efficacité est limitée. En surdosage, ils peuvent être nocifs. Le Motilium®, un inhibiteur de la Dopamine, agit sur le système nerveux (altération de la conscience) et il aurait un effet négatif sur le coeur dans certaines circonstances chez des individus prédisposés génétiquement; l’Imodium®, quant à lui, en ralentissant le transit intestinal, favorise la persistance des bactéries et des toxines dans l’intestin. En cas de colite (selles glaireuses, sanglantes), l’Imodium® est même contrindiqué…
7) Les antiseptiques et les antibiotiques sont pratiquement toujours inutiles. Ils peuvent même être dangereux. Ils sont, par exemple, susceptibles d’aggraver le «syndrome hémolyse et urémie», une forme particulière d’insuffisance rénale, survenant au décours d’une gastroentérite due à certaines souches de la bactérie Escherichia coli, surtout s’il y a eu administration d’un antibiotique. Ne pas oublier que la prise d’antibiotique(s) peut être responsable de diarrhée par perturbation de la flore intestinale. Donc, pas la peine de prendre le risque d’ajouter une perturbation à une autre.
8) Certains estiment que la prise de levures pourrait être un adjuvant utile. L’Enterol® (Saccharomyces boulardii) s’administre à raison de deux sachets/jour en deux prises selon la recommandation de l’ESPGHAN (European society of paediatric gastroenterology, hepatology and nutrition). Son efficacité est reconnue dans la prévention des diarrhées qui surviennent après la prise d’antibiotiques! Les thérapeutiques médicales n’échappent pas aux modes et, en gastroentérologie pédiatrique, la mode est actuellement à la consommation de probiotiques, levures ou bactéries lactiques, et de prébiotiques, oligosaccharides qui favorisent la flore lactique dans le côlon: les «pré» et les «pro» aideraient à l’équilibre de la flore intestinale et stimuleraient les défenses naturelles.
9) Pensez à changer les couches de l’enfant qui en porte, de lui laver le siège avec de l’eau et du savon de Marseille en brique (Sunlight®, Lechat® ou le savon d’Alep®). L’usage de lingettes humides et de différentes crèmes ou lotions «spécialement conçues pour la peau sensible de bébé», risque d’aggraver l’irritation fessière provoquée par les selles liquides. Si des lésions apparaissent au niveau des fesses, vous appliquerez de l’éosine aqueuse 2% puis de la vaseline blanche ou de la pâte de Lassar (oxyde de zinc, amidon de blé, graisse de laine et vaseline).
10) Ne vous braquez pas sur la perte d’appétit et la perte de poids qui surviennent immanquablement au début de l’affection. Quand l’enfant sera sur le chemin de la guérison, il présentera un comportement alimentaire de «rattrapage»: « il mettra les bouchées doubles »!
TRAITEMENT EN CAS DE DIARRHÉE AIGUË AVEC REFUS DE BOIRE ET VOMISSEMENTS PERSISTANTS
Une hospitalisation s’impose.
En cas de déshydratation avérée, on donnera toujours la préférence à la réhydratation avec une solution de type ORS®, par voie orale (biberon ou sonde gastrique).
Une réhydratation par voie intraveineuse avec du glucose et du sel peut se révéler indispensable. Elle sera maintenue pendant le temps strictement nécessaire, rarement plus de 24 heures.
Une réhydratation intraveineuse entreprise de façon trop rapide et/ou avec une solution mal adaptée, peut entraîner des convulsions comme complications!
RECHERCHE DE BACTÉRIES OU DE VIRUS DANS LES SELLES
Lors d’une gastro-entérite aiguë, la recherche de l’agent pathogène dans les selles est rarement utile. Pour identifier la bactérie responsable, il faut tenter de la faire se multiplier sur un milieu de culture approprié à partir d’un échantillon de selles fraîches, qui sera placé dans un pot stérile (à trouver chez le pharmacien) puis conservé au frais et, enfin, transmis dans les 12 heures au laboratoire ad hoc. Ce processus s’appelle coproculture.
Il faut bien entre 3 et 5 jours pour avoir le résultat complet d’une coproculture; or, dans la majorité des cas, les diarrhées guérissent en l’espace de 5 jours.
En revanche, en cas de diarrhée glaireuse et sanglante la recherche d’une bactérie s’impose.
De toute manière, exclure de la crèche un enfant qui présente une diarrhée à Rotavirus et ne le réadmettre que lorsque les selles ont repris une consistance presque normale est discutable puisque le virus peut encore être détecté dans les selles plusieurs jours après la guérison clinique et que certains enfants contaminés excrètent le virus sans avoir été eux-mêmes malades, ou à peine.
De plus, il se peut qu’un enfant, tout en faisant une diarrhée à Rotavirus, soit porteur d’un Salmonella non typhoïdique inoffensif. Que fait-on? En principe, on ne traite pas la bactérie d’autant plus que la prise d’un antibiotique contre le Salmonella en prolongerait la présence dans l’intestin (le portage)!
S’il s’agit d’un Salmonella Typhimurium, le risque que l’enfant fasse une fièvre typhoïde (tableau clinique de septicémie plus que de diarrhée) impose un traitement antibiotique et l’exclusion de crèche.
DIARRHÉES, plus ou moins aiguës, D’ORIGINE PARASITAIRE
Quand faut-il penser au parasite Giardia, le protozoaire flagellé le plus souvent incriminé?
Notamment, en présence d’une diarrhée prolongée, non précédée de vomissement et de fièvre, se caractérisant par l’émission d’une à deux selles par jour, abondantes, coulantes, de couleur jaune «moutarde de Dijon» et très malodorantes. Il peut y avoir, ou non, des douleurs abdominales, une perte d’appétit et une altération de l’état général.
L’incubation est de 8 jours. La durée de la diarrhée peut durer de 2 à 6 semaines. Le diagnostic se fait par la détection de kystes dans les selles. L’élimination de ces kystes est intermittente, d’où, parfois, la nécessité d’en répéter la recherche. L’exclusion de la crèche ne se justifie pas: beaucoup d’enfants porteurs restent asymptomatiques.
La recherche du parasite nécessite qu’un prélèvement de selles soit placé dans un pot stérile contenant un liquide spécialement destiné à la conservation des parasites.
Traitement: Metronidazole (Flagyl ®) 15 mg/kg/jour en deux ou trois prises pendant cinq jours (très mauvais goût, difficile à administrer)
ou
Tinidazol (Fasigyn ®) en une seule prise à répéter une semaine plus tard.
VACCINATION CONTRE CERTAINS ROTAVIRUS
Il n’y a pas de «vaccin contre la diarrhée aiguë». En revanche, il existe deux vaccins «à boire». Ils sont destinés à protéger l’enfant contre les souches de rotavirus statistiquement responsables des gastro-entérites aiguës les plus sévères (risque de déshydratation rapide difficilement contrôlable):
- le Rotarix ® oral de GlaxoSmithKline, vaccin monovalent, c’est-à-dire constitué d’une souche de rotavirus humain atténué. Il est administré en 2 doses à un mois d’intervalle,
- le Rotateq® oral de Merck, vaccin pentavalent, constitué de 5 souches de rotavirus « génétiquement réassorties », dont 4 souches humaines et 1 souche bovine. Il est administré en 3 doses à un mois d’intervalle.
Ces vaccins ne sont plus capables de provoquer une gastro-entérite ; ils stimulent la production d’anticorps au niveau de la muqueuse digestive.
Effet secondaire parfois observé: l’apparition, pendant deux à trois jours, de selles un peu plus liquides que d’habitude et ce, même chez l’enfant nourri au sein.
Ces vaccins sont, pour l’instant, partiellement à charge du patient. Pour se procurer l’un d’eux, il suffit de demander au médecin vaccinateur une prescription portant l’identité complète de votre enfant, sa date de naissance et la mention de la quantième dose à administrer.
La première dose peut être administrée dès l’âge de 6 semaines. Idéalement, la ou les suivantes doivent l’être à un mois d’intervalle. La dernière dose doit être administrée impérativement avant l’âge de 6 mois. Comme au-delà de cette limite le vaccin pourrait induire une invagination intestinale, le pharmacien n’est pas autorisé à vous en fournir.
La vaccination complète doit être réalisée avec le même vaccin.
* * *
RÉSUMÉ DE LA PRISE EN CHARGE DE LA GASTRO-ENTÉRITE AIGUË
« de 7 jours à 77 ans »
Pendant la phase des vomissements, il faut réduire l’alimentation, ce qui n’est pas difficile: tout comme l’adulte, l’enfant qui présente une «gastro» refuse quasiment de se nourrir. En revanche, on lui proposera de l’eau ou du thé léger, sucré. Les enfants au-dessus de 1 an, qui présentent des vomissements «incontrôlables», peuvent, exceptionnellement, recevoir du Coca-Cola dégazé par petites gorgées.
Il n’est pas nécessaire de suspendre l’alimentation au sein.
Dès l’apparition de selles liquides, votre première préoccupation sera de mettre l’intestin au repos et de donner des solutions adéquates à boire. Vous éviterez, si possible, de donner de l’eau pure.
Pour qu’il y ait déshydratation, il faut la conjonction de vomissements incoercibles, d’une diarrhée profuse et d’un refus absolu de boire. Une situation, somme toute, peu fréquente, sauf, notamment, avec certains Rotavirus. Ne vous précipitez, donc, pas tout de suite dans un service de garde hospitalier.
1. Solution de réhydratation
Premier choix: Solution O.R.S. de Nutricia. Cette solution, qui contient du sucre et du sel dans des concentrations bien déterminées, a un goût sucré-salé pas toujours apprécié!
Préparation: un sachet dans 1/2 litre d’eau (l’eau de robinet, non bouillie, peut faire l’affaire).
La solution sera administrée
- par petites quantités et avec patience à cause des vomissements (parfois par cuillères à café toutes les 10 minutes).
- pendant 4 à 6 heures (12 heures maximum),
- sans ne rien donner d’autre à boire ou à manger.
Pour l’enfant qui refuse obstinément l’O.R.S., voici une «solution de rechange» à partir de 4 ½ mois:
lui faire boire, en alternance, tantôt du thé légèrement sucré, du jus de citron ou d’orange dilué (1/3 de jus pour 2/3 d’eau), tantôt de l’eau de riz, salée (1 cuillère à café de sel de cuisine par litre).
La «soupe de carottes» (½ kg de carottes épluchées à faire cuire dans 1 litre d’eau pendant 2 heures…), très en vogue il y a quelques années, n’a qu’un effet «cosmétique»: si les selles apparaissent plus moulées, c’est uniquement parce que la pulpe des carottes cuites agit comme une éponge sur l’eau éliminée en excès dans l’intestin!
Attention : il existe des enfants qui sont allergiques à la carotte.
Dans la majorité des cas, une culture de selles est inutile et aucun médicament spécifique n’est nécessaire.
Le Motilium® (dompéridone), qui agit contre les vomissements, et l’Imodium® (lopéramide) qui est un anti-diarrhéique, sont déconseillés à cause de leurs effets secondaires possibles. Ils ne devraient pas être prescrits aux enfants en-dessous de deux ans.
Les antiseptiques et les antibiotiques sont rarement indiqués. Ils peuvent être dangereux, notamment en déséquilibrant la flore intestinale au point de favoriser l’émergence de germes très agressifs (Clostridium difficile).
L’utilité de la prise de levures type Enterol® (Saccharomyces boulardii), longtemps contestée, semble admise depuis peu. L’Entérol s’administre à raison de deux sachets/jour en deux prises (Recommandation de l’ESPGHAN, European society of paediatric gastroenterology, hepatology and nutrition). Ne pas en attendre une solution miracle! Son utilité semble reconnue dans les diarrhées liées à la prise d’antibiotique(s).
En cas de douleurs abdominales, vous donnerez du paracétamol en sirop. Ne pas dépasser 60 mg/kg par 24 h.
Pour la fièvre, si l’enfant la supporte mal, on peut également recourir à du paracétamol.
2. Retour à l’alimentation normale
Après 4 à 6 heures de solution de réhydratation (après 12 heures, au plus tard), vous reviendrez à l’alimentation qui était celle de l’enfant juste avant «sa gastro», mais en la répartissant sur un plus grand nombre de repas (de 4 à 8 collations/24h).
La persistance de selles diarrhéiques au début de la réalimentation ne doit pas vous inciter à faire marche arrière.
En revanche, après chaque «débâcle», c’est-à-dire quand la couche déborde de selles liquides, vous proposerez à l’enfant la solution de réhydratation O.R.S., mais, cette fois, à raison de 10 ml par kg: soit, pour un enfant de 10 kg, un biberon de 100 ml d’O.R.S.
Aliments conseillés en fonction de l’âge de votre enfant et de son régime:
- lait maternel ou artificiel de 1er ou de 2ème âge, lait «bio» entier ou demi-écrémé
- pain blanc + beurre et gelée de confiture (myrtilles, coing,…)
- riz blanc, purée de pommes de terre, pâtes + huile d’olive et fromage parmesan ou gruyère,
- légumes (salade, carottes, …) très cuits + 1 c à c d’huile d’olive ou de tournesol,
- fruits: pomme râpée et brunie à l’air, banane bien mûre (piquée) écrasée et brunie à l’air, coing en confiture ou en compote, myrtilles sous toutes leurs formes,
- fromage blanc et yaourt, entiers et nature (+ gelée de confiture),
- jambon, poulet, dindonneau, viande rouge ou poisson grillés + huile ou noisette de beurre.
Attention aux aliments reconnus pour leurs propriétés laxatives: courgettes, poireaux, épinards, tomates,… poires, prunes, raisins, pêches…, jus de fruits concentrés, céréales riches en fibres non solubles (appelées anciennement, le son).
On le voit, la réalimentation au décours d’une diarrhée ne consiste pas à imposer un «régime maigre»: il n’y a donc aucune raison de supprimer les matières grasses de l’alimentation (beurre, huile,…). Chez l’enfant de moins de trois ans, le lait entier sera préféré au lait demi-écrémé.
La phase aiguë de la «gastro» dure environ cinq jours, mais il faut parfois attendre 2 à 3 semaines (et même plus) avant que les selles ne retrouvent leur consistance habituelle.
Ce n’est que si un épisode diarrhéique aigu se prolonge au-delà de 2 semaines, que l’on parlera de diarrhée chronique.
Ne vous braquez pas sur la perte d’appétit et la perte de poids qui surviennent immanquablement au début de l’affection. Quand votre enfant sera sur le chemin de la guérison, vous observerez un comportement alimentaire de «rattrapage» et un gain de poids rapide.
Ceux et celles qui s’occupent d’un enfant qui porte des couches, n’oublieront pas de les changer souvent, de laver les fesses de bébé avec de l’eau et du savon de Marseille en brique (Sunlight, Lechat ou le savon d’Alep), et… de se laver les mains.
L’usage de lingettes humides et de différentes crèmes ou lotions «spécialement conçues pour la peau sensible de bébé», risque d’aggraver l’irritation fessière provoquée par les selles liquides.
Si, néanmoins, des plaies apparaissent au niveau des fesses, appliquez-y de l’éosine aqueux 2%, puis de la vaseline blanche ou de la pâte de Lassar (oxyde de zinc, amidon de blé, graisse de laine et vaseline).