Préliminaire
Au moment de l’accouchement le bébé est colonisé par des « commensaux normaux » (microbes et levures) présents sur le périnée de la maman. La colonisation concerne essentiellement la peau de bébé et la muqueuse de son tube digestif. Les commensaux se distribuent en surface. Sauf accident, ils ne pénètrent ni dans la peau ni dans la paroi de l’intestin.
Facteurs responsables de la dermatite du siège
- La peau de l’enfant se défend mal contre les agressions chimiques: méfiez-vous des articles « spécialement conçus » pour les soins de bébé, à savoir les savons, les laits de toilette, les crèmes diverses, les lingettes humides,…: tous ces produits, qui vous sont proposés dans les maternités, le sont à cause de contrats commerciaux établis entre les firmes et la direction des institutions hospitalières, et cela sans l’avis des pédiatres. Tous ces produits sont spécialement à éviter!
- En ce qui concerne les couches à jeter, il y en a de plus allergisantes que d’autres. La peau se sensibilise facilement à des produits chimiques inclus dans leur fabrication, comme les parfums…
- Les changes tardifs après l’émission d’urines et de selles sont des facteurs favorisant le développement d’une dermatite: l’urée dans l’urine et les dérivés azotés dans les selles sont décomposés par les bactéries (microbes) normalement présentes dans les selles et sur la peau, ce qui entraîne la libération de substances chimiques (ammoniac,…) qui irritent la peau. C’est l’ammoniac qui est en partie responsable de l’odeur désagréable qui émane d’une couche changée tardivement ! « L’étuve » que constitue la couche aggrave les effets des facteurs précédents.
- La peau du petit enfant se défend mal contre les agressions infectieuses, surtout quand il y a déjà eu agression par les agents chimiques contenus dans les « lingettes humides », …. La peau du petit enfant – vous le constatez – n’est pas grasse. Au début de la vie, les glandes qui graissent la peau (les glandes sébacées) sont, en effet, peu développées et le film gras (hydro-lipidique), présent sur la peau de l’adulte, est immature. Or, ce film a un rôle défensif primordial : il est composé d’acides gras qui ont des propriétés anti-infectieuses (bactériostatiques et bactéricides). La prolifération de «microbes» de type staphylocoques et du « champignon » candida albicans à partir des selles et de la surface de la peau est cause de lésions dermatologiques parfois étendues.
- La peau est d’autant plus sensible qu’il y a un terrain allergique.
- Chez les enfants présentant une « dermatite atopique», la peau est plus ou moins sèche (xérodermie) sur tout le corps sauf dans la région de la couche : ceci est dû au degré d’humidité élevé qui s’y trouve.
Clinique
Eruption sans surinfection
Au début il apparaît de simples rougeurs qui se concentrent sur les parties bombées, à savoir les fesses, la face interne des cuisses près des creux inguinaux, les régions sus-pubienne et génitale (grandes lèvres ou scrotum). Les plis inguinaux et le pli inter-fessier, d’abord épargnés, vont être envahis dans un deuxième temps. Les rougeurs vont progressivement prendre de la texture et devenir palpables.
Les localisations des irritations mettent en évidence les facteurs mécaniques (zones de pression dans la couche) et le facteur « étuve » (chaleur dans la couche).
Remarques:
– Chez l’enfant nourri avec du lait maternel, les selles relativement acides ne favorisent pas la prolifération dans la couche d’une flore microbienne ammoniacale. Le risque de voir apparaître des « rougeurs fessières » est moindre. Ce risque augmentera après le sevrage.
– Il est évident que le fait de ne plus se réveiller la nuit entraîne pour le bébé un allongement considérable de l’intervalle entre deux changes, avec pour corollaire l’apparition plus fréquente de rougeurs fessières! Le « passage des nuits » n’est pas dépourvu d’embûches : risque accru d’abcès mammaire chez la maman et d’érythème fessier chez l’enfant.
Heureusement dès le deuxième mois de vie, les enfants ont tendance à ne plus émettre de selles au cours de la nuit.
– Au moment de l’introduction des « aliments solides » (fruits, légumes, céréales), il y a modification de la flore digestive (du microbiote), de la consistance et de la qualité chimique des selles, avec pour conséquence un risque accru de voir se développer un érythème fessier. Les peaux atopiques réagissent particulièrement vite aux changements d’alimentation.
– Il n’y a aucun lien entre « les poussées dentaires » et la dermatite fessière.
– L’apparition tardive – même au-delà de l’âge d’un an – de lésions cutanées au niveau du siège ne permet pas de disculper certains produits utilisés impunément jusqu’alors (lingettes humides, crèmes et savons parfumés,…).
– Les lésions cutanées qui surviennent en « ceinture » autour de l’abdomen (à hauteur du nombril) ou en « bracelet » autour de la partie proximale des cuisses sont l’expression d’une allergie aux bords imperméabilisés des couches à jeter (allergie de contact). Elles commencent par de petites vésicules sur fond rouge, qui progressivement vont confluer. Elles sont souvent plus marquées d’un côté que de l’autre.
Eruption avec surinfection par prolifération et invasion cutanée par des germes (microbes) et des champignons (mycoses) qui étaient inoffensifs sur la peau et dans les selles de bébé!
- Quand il y a surinfection bactérienne (microbienne), il vient s’ajouter des pustules (petites « cloches » contenant un liquide trouble) et des érosions cutanées qui peuvent donner lieu à des ulcérations. Il y a impétiginisation. « La peau est à vif ». Il se forme des croûtes. Les creux inguinaux, le périnée et le pli inter-fessier sont envahis.
- Quand il y a surinfection mycotique, il apparaît des taches de couleur rouge vif, qui prennent un relief granité « papier-émeri » et qui confluent en placards plus ou moins étendus, avec apparition à distance « d’ilots satellites » de même nature. Une telle surinfection est due à une prolifération anormale du champignon appelé candida albicans. A la naissance, le tractus intestinal du bébé est colonisé par le candida a. qui est normalement présent dans la région génitale de la maman. La prise d’antibiotique par l’enfant ou par la mère allaitante favorise la dermatite du siège à candida. Le candida a. est responsable du « muguet » qui se développe quelquefois dans la bouche des nouveau-nés (voir plus loin); comme il résiste au milieu acide de l’estomac, il arrive intact à la sortie de l’intestin et enflamme la région péri-anale et les fesses…
- La surinfection est le plus souvent mixte, c’est-à-dire bactérienne et mycosique. Les lésions peuvent être douloureuses. Ainsi, bébé peut pleurer quand il émet des selles ou des urines, et aussi quand on lui nettoie le siège.
Traitements des dermatites de siège
- Mesures générales indispensables
1.1. En présence de rougeurs qui apparaissent sur une partie du corps et qui n’évoquent pas une maladie éruptive, il faut d’abord se demander ce qu’il y a à supprimer avant de « chercher quelque chose à mettre dessus ». Il vous faut impérativement arrêter d’utiliser les savons parfumés, les lingettes et certaines crèmes de siège.
Les lingettes humides doivent être bannies en tout temps et en tout lieu. Feront l’affaire: quelques feuillets de papier essuie-tout et une petite bouteille avec « bouchon sport » remplie d’eau de robinet.
Les cosmétiques n’ont pas leur place: ils contiennent des parabènes (conservateurs antibactériens et antifongiques) et/ou du phenoxyéthanol (ce conservateur bactéricide peut provoquer de l’eczéma). En traversant la peau, ces produits deviennent des « perturbateurs endocriniens » : ils activent les récepteurs oestrogéniques et agissent comme des leurres d’hormones féminines.
1.2. Vous changerez souvent la couche.
1.3. Vous laisserez à l’air, autant que possible, la région atteinte. Par exemple: vous déposerez bébé « les fesses à l’air » dans le parc, en ayant pris les précautions d’usage (fond du parc préalablement recouvert de langes en coton).
1.4. Si vous avez fait le choix écologique d’utiliser des langes en tissu et que vous faites les lessives à la main, vous utiliserez du savon de Marseille en bloc (Lechat®). Si vous avez une machine à laver, le savon de Marseille en poudre ou en copeaux (Lechat®) sans adoucissant aura votre préférence.
Aucun adoucissant n’est autorisé pour la lessive des vêtements et de la literie.
- Traitement des rougeurs non surinfectées
A chaque change:
2.1. Vous laverez le siège avec de l’eau (et du savon de Marseille).
2.2. Après l’avoir rincé, vous le sécherez (sèche-cheveux).
2.3. Pour encore sécher davantage les lésions vous appliquerez avec une compresse de l’éosine aqueuse diluée à 2% ou de la liqueur de Burow (acétate d’aluminium, acide acétique) diluée à 10%.
2.4. Pour terminer, vous enduirez le siège de vaseline blanche ou d’une « pâte à l’eau couvrante » à base d’oxyde de zinc, comme la pâte de Lassar (oxyde de zinc, amidon, graisse de laine, vaseline), la crème dite « Croix-Rouge » ou le Liniment oléo-calcaire (eau de chaux, huile d’olive,…) ou une préparation magistrale à base d’oxyde et de stéarate de zinc, de stéarate de magnésie, d’huile de foie de morue et de lanoline.
La pâte de Lassar® est la crème la « plus couvrante ». Elle est un peu difficile à étaler, mais c’est le « Burberry » du siège de l’enfant.
Evitez les talcs (silicate de magnésium). En tout cas, n’en saupoudrez pas directement les fesses : danger d’irritation secondaire et d’incrustation de silice au fond des plis. Talquez légèrement vos mains, faites-en tomber le surplus et frottez les zones irritées.
2.5. Dans des cas de sensibilité extrême à certains composants de la couche, il vous faudra tapisser la couche avec des feuilles de cellulose pure : la peau est isolée de la couche mais celle-ci ne perd pas son rôle absorbant.
- Traitement des rougeurs surinfectées
Après lavage, rinçage et séchage des zones atteintes, vous appliquerez selon le cas : une pommade contenant un antibiotique (érythromycine,…) et/ou un antimycotique, nystatine ou miconazole (Daktarin ®). La préparation sera appliquée 2 fois par jour pendant 5 jours. L’adjonction d’un anti-inflammatoire corticoïde est parfois utile.
Il existe des formules dites magistrales (à préparer par le pharmacien) et des préparations commerciales utilisables à chaque change. La pommade Daktozin® (oxyde de zinc, miconazole et vaseline) est un bon compromis pour commencer. Avantage: elle ne nécessite pas de prescription.
Pour les autres changes au cours de la journée vous utiliserez, comme dans la situation sans surinfection, de la simple vaseline blanche ou une pâte à l’eau type pâte de Lassar® ou Liniment oléo-calcaire.
Du permanganate de potassium (dilution 1/10.000) est un choix plus bio et aussi plus coloré mais très efficace! Les fesses seront légèrement violettes.
Qu’il y ait ou non du muguet, la prise orale de nystatine sera bienvenue pour accélérer la guérison d’une dermite de siège récalcitrante à candida a.
Dans la majorité des cas, l’amélioration sera appréciable moins de 48h après le début du traitement.
Il faut savoir que les récidives sont fréquentes dans les jours ou les semaines qui suivent la fin du traitement.
« Avec courage pour éviter un nouveau dommage,
Sur le fessier remettez votre ouvrage! »
Mais attention : après guérison, la peau, tout en étant redevenue lisse et souple, restera rose-rouge quelque temps encore : en prolongeant l’application de la crème contenant un corticoïde vous prenez le risque de provoquer une atrophie cutanée (amincissement et fragilisation secondaire de l’épiderme).
Remarque:
Chez le nourrisson en bas âge, la tendance à faire des infections récidivantes au niveau du siège témoigne souvent d’une prédisposition à faire de l’eczéma (terrain allergique).